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GIORGIONE DA CASTELFRANCO. 37

sculpture avait sur la peinture l’avantage de montrer une figure de tous les côtés, pourvu qu’en tournant autour d’elle on changeât de points de vue. Giorgione, au contraire, soutenait que la peinture pouvait offrir tous les aspects d’un corps et les faire embrasser d’un seul coup d’œil, sans qu’on eût besoin de changer de place. Il s’engagea même à représenter une figure que l’on verrait des quatre côtés à la fois. Les pauvres sculpteurs se mirent la cervelle à l’envers pour comprendre comment Giorgione se tirerait d’une semblable entreprise.

Il peignit un homme nu, dont les épaules sont tournées vers les spectateurs. Une fontaine limpide réfléchit son visage, tandis qu’un miroir et une brillante armure reproduisent ses deux profils : œuvre charmante et capricieuse qui justifia les prétentions de notre artiste.

Il fit encore le portrait de Catherine, reine de Chypre, que j’ai vu chez Messer Giovan Cornaro.

Je possède du Giorgione une étude, faite d’après un Allemand de la maison des Fucheri, très riches marchands du Fondaco de’ Tedeschi, et quelques dessins et croquis à la plume d’une grande beauté (5).

Au milieu des travaux et des efforts que faisait Giorgione pour mériter de la gloire et en laisser à son pays, il se délassait avec ses amis qu’il réunissait souvent chez lui. Dans une de ces fêtes animées par la musique et les plaisirs, il s’éprit d’une jeune femme. L’un et l’autre se livrèrent avec ardeur à leur amour ; mais, en 1511, sa maîtresse fut infestée de la peste, et Giorgione, toujours assidu près d’elle, ne tarda