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36 GIORGIONE liA CASTELFRANCO.

géant abattu, ce qui la fait ressembler à une Judith, mais ses regards dirigés sur un Allemand, qui occupe le bas du tableau, me font supposer, s’il faut absolument donner à ce sujet une interprétation, qu’il a voulu représenter la Germanie. Quoi qu’il en soit, il faut convenir que ces figures, examinées isolément, sont bien établies, et prouvent chez cet artiste de réels progrès. Quelques parties de ces peintures, et surtout les têtes, sont d’une exécution ferme, et de la couleur la plus vraie. Giorgione, avant tout, cherchait à donner de l’animation à ses sujets et à n’imiter aucune manière. Le Fondaco de’ Tedeschi est célèbre à Venise, à cause de son utilité et des peintures du Giorgione.

Il fit ensuite un Portement de croix, où l’on remarque l’admirable figure d’un Juif, qui hâte brutalement la marche du Christ. Ce tableau, objet de la vénération des fidèles et qui opère aujourd’hui des miracles, est placé dans l’église de San-Rocco.

Giorgione travailla aussi dans plusieurs endroits, comme à Castelfranco et dans le Trévisan. Il fit beaucoup de portraits pour des princes italiens. Un grand nombre de ses ouvrages fut envoyé dans les pays étrangers. Venise tenait à prouver que si de tout temps la Toscane avait été abondamment pourvue d’artistes distingués, le ciel n’avait cependant ni oublié ni abandonné les pays voisins des monts.

On raconte que le Giorgione, dans le temps que le Verrocchio exécutait son cheval de bronze, se rencontra avec plusieurs artistes qui prétendaient que la