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GIORGIONE DA CASTELFRANCO. 35

étonnamment résisté à l’action du soleil, du vent et de la pluie ; tandis qu’une de ses meilleures fresques, celle qui représente le Printemps, a cruellement souffert de l’intempérie des saisons. Je crois que rien n’est plus nuisible à la fresque que les vents du midi, surtout près de la mer, dont le scirocco apporte les sels destructeurs.

En 1504, un grand incendie consuma en entier, près du pont du Rialto, à Venise, le Fondaco de’ Tedeschi, avec toutes les marchandises qu’il contenait. La seigneurie ordonna la prompte reconstruction de cet édifice, et voulut que ses distributions intérieures fussent plus commodes et plus ornées qu’auparavant. L’architecte consulta Giorgione, dont la renommée s’était fort accrue, et le chargea de peindre les fresques, lui laissant le libre choix des sujets, afin que son talent pût se développer sans entraves, dans le lieu le plus beau et le plus fréquenté de la ville. Giorgione commença de suite, et ne s’occupa guère qu’à suivre son caprice et à montrer son habileté. En effet, on ne trouve dans cette peinture aucun sujet qui soit sagement ordonné, ou qui retrace les faits historiques de quelques personnages anciens ou modernes. Quant à moi, je n’ai jamais rien compris à ces compositions, ni rencontré personne qui pût me les expliquer. Ici, un homme a près de lui une tête de lion ; là, auprès d’une femme, on voit un ange ou un amour. C’est un inexplicable pêle-mêle. Il y a bien, au-dessus de la porte principale qui donne sur la Merzeria, une femme assise armée d’une épée, dont les pieds portent sur un