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GIORGIONE DA CASTELFRANCO. 33

travailler sans le modèle dont il poussa si loin l’imitation consciencieuse, que, dépassant Giovanni et Gentile Bellini, il se montra le digne rival des peintres de la Toscane, qui venaient d’ouvrir une époque nouvelle en fondant le style moderne. Giorgione avait vu plusieurs ouvrages de Léonard de Vinci, exécutés dans la manière effumée et vigoureuse particulière à ce grand maître. Giorgione la goûta tellement qu’il la pratiqua toujours, surtout dans ses peintures à l’huile. Ses motifs étaient pleins de richesse et de variété, et son fécond génie lui permettait de répandre dans ses tableaux des effets si suaves et si harmonieux, des choses si vivantes et si fines, que ses plus célèbres rivaux avouaient qu’aucun peintre ne pouvait l’égaler pour le mouvement des figures etla fraîcheur des chairs (3).

Dans ses commencements, Giorgione peignit à Venise beaucoup de Vierges et de portraits.

On peut voir aujourd’hui trois de ces portraits dans le cabinet du révérendissime Grimani, patriarche d’Aquilée. Le premier, dans lequel on prétend que Giorgione s’est peint lui-même, représente David. Ses cheveux tombent sur ses épaules, suivant la mode d’alors. Sa poitrine et ses bras sont couverts d’une armure ; sa main tient la tête de Goliath. Le second, qui est, dit-on, celui d’un général d’armée, a la tête énorme ; sa main porte une barrette de commandeur. Sous son manteau de fourrure, on aperçoit une saye antique.

Le troisième enfin est un enfant de la plus grande beauté, dont la chevelure bouclée ressemble à la toi-