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acheva avec bonheur la tête de Judas, mais ne termina pas la tête du Christ, comme on le sait déjà (6).

Cette peinture si noble par la pensée, si précieuse par le travail, fit grande envie au roi de France, qui voulait en enrichir sa capitale. Il chercha partout des architectes qui se chargeassent de l’enlever et de la transporter sans accident, dût-on l’armer, comme une citadelle, de mantelets de bois et de fer, disposé qu’il était à ne reculer devant aucun moyen et aucune dépense. Mais la peinture tenait au mur : sa Majesté emporta son admiration et son désir, et laissa le chef-d’œuvre aux Milanais.

Léonard avait travaillé à cette peinture par intervalle. Avant qu’elle ne fût terminée, à l’autre bout du réfectoire où elle se trouvait, à gauche et à droite d’une Passion dans le style ancien, il exécuta les portraits du duc Ludovic, de la duchesse Béatrice et de leurs fils Maximilien et François. Rien n’est plus ravissant que la tête de ces jeunes princes, qui depuis, l’un et l’autre, régnèrent à Milan.

Dans le même temps, il proposa au duc d’entreprendre un cheval de bronze destiné à recevoir la statue du duc François, son père (7). Il le commença d’une dimension tellement gigantesque, qu’il ne put jamais l’achever ; et comme le génie est toujours en butte aux faux jugements et à la méchanceté, on prétendit que Léonard s’était joué du duc, et n’avait jamais eu l’intention de le terminer, attendu qu’il était impossible de ne pas avoir vu, dès l’abord, qu’on ne pourrait pas couler d’un seul jet une si énorme pièce. Beaucoup de gens portèrent peut-être