sorte, qu’il y passait toutes ses journées en compagnie d’une foule de jeunes dessinateurs. Il ne tarda pas à les surpasser en adresse et en savoir, et à faire concevoir de lui de hautes espérances qu’il justifia, dès sa jeunesse, par une série de travaux vraiment admirables. Bientôt il représenta en terre verte, dans le cloître, près de la Dédicace de Masaccio, un Pape confirmant la règle des carmélites. Il décora ensuite à fresque plusieurs parties de l’église, et y peignit, entre autres choses, un saint Jean-Baptiste et divers sujets tirés de la vie de ce bienheureux. Chaque jour de remarquables progrès s’opéraient dans sa manière. Elle se rapprochait tellement de celle de Masaccio, que l’on disait que l’esprit de celui-ci était entré dans le corps de Fra Filippo. Un saint Martial que notre artiste fit sur un pilastre de l’église, non loin de l’orgue, mit le sceau à sa réputation.
Cet ouvrage peut soutenir la comparaison avec ceux de Masaccio. Les louanges que Fra Filippo s’entendit prodiguer de toutes parts le déterminèrent à sortir du cloître. Il n’avait alors que dix-sept ans.
Vers cette époque, Fra Filippo se trouvant dans la Marche d’Ancône, et étant allé se promener sur une petite barque le long du rivage de la mer, fut pris par des corsaires maures, chargé de chaînes, et conduit en Barbarie, ainsi que tous les amis qui l’accompagnaient. Depuis dix-huit mois (1) il gémissait dans l’esclavage, lorsqu’il s’avisa de tracer de mémoire avec un charbon, sur un mur blanc, le portrait de son maître revêtu d’habits mauresques.