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science du gain, le territoire de Florence n’offrant point les ressources larges et abondantes que l’on trouve ailleurs à bon marché. Enfin, la troisième chose, non moins puissante que les autres, est une soif de gloire inextinguible qu’engendre l’air du pays. Alors, non-seulement on ne veut pas rester en arrière, mais encore on se refuse à marcher sur la même ligne que les autres, et l’ambition devient si forte que, si l’on n’est pas doué d’une douceur et d’une sagesse surhumaines, on en vient à maudire ses propres maîtres, et à payer leurs bienfaits par l’ingratitude. Et puis, quand on a appris tout ce qu’on peut apprendre, pour peu que l’on ne consente pas à vivre au jour le jour, comme les animaux ; pour peu que l’on désire devenir riche, il faut s’éloigner, et aller exploiter au loin son talent et la réputation de cette ville ; car Florence en agit avec ses artistes comme le temps avec les choses qu’il fait et qu’il use ensuite peu à peu. Obéissant à ces conseils et à ceux de divers amis, Pietro, bien déterminé à ne rien négliger pour exceller dans son art, se rendit à Florence, et il eut mille fois raison, car ses productions y jouirent d’un succès prodigieux.

Il étudia sous la discipline d’Andrea Verocchio, et peignit ses premières figures dans San-Martino, qui était situé un peu au delà de la porte al Prato, et qui depuis a été détruit. Chez les Camaldules, il exécuta sur muraille un saint Jérôme, qui fut l’objet de l’admiration des Florentins. Cette figure maigre et décharnée ressemble à une étude anato-