Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/315

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vénitien, antagoniste de Squarcione. Ce dernier, irrité de l’alliance de son fils adoptif avec son ennemi, dès ce moment le prit en haine, et ne cessa de blâmer ses ouvrages autant qu’il les avait loués jusqu’alors. Il se plut surtout à critiquer amèrement les peintures de la chapelle de San-Cristofano : « Pure imitation, disait-il, des marbres antiques qui ne peuvent enseigner parfaitement la peinture, parce que la pierre ne saurait changer complètement sa raideur contre la souplesse de la nature. » Il ajoutait qu’Andrea aurait été mieux avisé s’il eût peint ses personnages couleur de marbre, parce qu’alors, au moins, ils auraient ressemblé à des statues antiques (2), tandis que, couverts de toutes sortes de couleurs, ils étaient loin de ressembler à des figures vivantes. Ces reproches désolèrent Mantegna, mais, d’un autre côté, lui furent très-utiles, car il reconnut qu’ils étaient fondés en grande partie. Il se mit donc à étudier la nature vivante, et, dans son dernier tableau de la chapelle, il montra qu’il en savait tirer tout aussi bon profit que des sculptures. Néanmoins, le Mantegna ne cessa jamais de croire que les chefs-d’œuvre des artistes de l’antiquité étaient plus parfaits que la nature. Ces excellents maîtres, pensait-il, ont choisi les plus belles parties de différents modèles pour en former un ensemble qu’il est presque impossible de trouver dans un seul corps. En outre, les statues lui semblaient mieux indiquer les muscles, les veines, les nerfs qui ne se découvrent guère que chez les vieillards, dont les peintres évitent de reproduire les membres secs