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une fois détachée, ni d’en faire une semblable à la sienne, tandis, ajoutait-il, qu’il lui était facile d’en rendre une à son cheval, beaucoup plus belle que celle qu’il avait brisée. Cette réponse ne déplut point à la seigneurie, qui le rappela à Venise, en doublant ses appointements. Il raccommoda son premier modèle, mais il ne put l’achever entièrement, car, s’étant échauffé à le fondre et refroidi ensuite, il mourut au bout de peu de jours (8).

Il avait également commencé, à Pistoia, le tombeau du cardinal de Forteguerra, accompagné des trois Vertus théologales, et surmonté d’un Père Éternel. Ce monument fut terminé par Lorenzetto, sculpteur florentin. Andrea avait cinquante-six ans lorsqu’il mourut. Sa perte causa de vifs regrets à ses amis et à ses nombreux élèves, et surtout à Nanni Grosso, dont le talent était aussi bizarre que sa manière de vivre. On prétend qu’il n’aurait jamais travaillé hors de son atelier, et particulièrement chez les moines et les religieux, s’il n’eût été libre d’aller, quand bon lui semblait, étancher sa soif à la cave ou au cabaret. On raconte encore de lui qu’après sa sortie de l’hôpital de Santa-Maria-Nuova, où il avait été guéri de je ne sais quelle maladie, il répondait à ses amis, qui lui demandaient de ses nouvelles : « Je vais mal, très-mal. » — « Tu es pourtant guéri, » lui répliquait-on. « Et voilà justement pourquoi je vais mal ; » s’écriait-il, « j’ai besoin d’une petite fièvre, pour pouvoir me faire soigner et servir dans cette sainte maison. » Lorsqu’il fut sur le point de mourir, à l’hôpital, on mit devant lui un Crucifix de bois