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dessin de l’un, ou de l’étonnante patience de l’autre. Cet ouvrage demanda vingt-six années de travail. Les broderies furent exécutées au point serré, qui, outre la solidité qu’il présente, a l’avantage de produire exactement l’effet d’une peinture. Cette manière de broder est presque entièrement perdue aujourd’hui. On a adopté un point plus large, qui est moins durable et moins agréable à l’œil.



Tous les historiens, à commencer par Vasari, ont attribué un égal mérite et ont fait une part égale de gloire à Antonio et à Piero del Pollaiuolo. Il y a cependant une si énorme différence entre ces deux hommes, que l’œil le moins exercé aurait dû en être frappé. Antonio tendit de tous ses efforts et réussit à s’universaliser. Piero, au contraire, sembla s’appliquer à se spécialiser. Doué d’un génie avide et inquiet, qui le poussait aux entreprises les plus ardues et les plus variées, Antonio aborda avec une heureuse intrépidité l’orfévrerie, les nielles, la gravure, la peinture et la sculpture. Esprit peu audacieux sinon timide, Piero ne s’adressa qu’à la peinture, et serait sans doute resté stationnaire, s’il n’eût été forcé de marcher en avant par son frère Antonio, auquel il avait enseigné les procédés élémentaires du coloris, mais qui, d’un bond, le laissa bien loin en arrière. Piero, de lui-même, n’aurait jamais osé franchir les limites traditionnelles de ses prédé-