Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frère Giovanni et par la plupart de ses concitoyens, qui étaient accourus au-devant de lui. Chacun se réjouissait des honneurs que Mahomet avait rendus à son mérite. Le doge et la seigneurie ne lui témoignèrent pas moins d’estime, et le félicitèrent d’avoir si bien rempli sa mission. Et, pour lui prouver le cas qu’ils faisaient de sa lettre de recommandation, ils lui allouèrent une pension viagère de deux cents écus.

Après son retour dans sa patrie, Gentile travailla peu. Il n’était pas loin d’avoir quatre-vingts ans lorsqu’il mourut. Son frère Giovanni lui donna une honorable sépulture à S.-Giovanni-e-Paolo, l’an 1501.

Giovanni, malgré sa vieillesse, tâcha de se distraire par le travail de la douleur que lui causait la perte de son frère, qu’il avait toujours tendrement aimé. Il se mit à faire des portraits, et bientôt il n’y eut à Venise personne d’une condition un peu relevée qui ne se fit peindre par lui ou par quelque autre. De là vient la multitude de portraits que l’on trouve à Venise. Quantité de gentilshommes possèdent les images de quatre générations d’aïeux, et les plus nobles bien davantage. Du reste, on ne saurait trop louer cette coutume. Qui ne ressent une satisfaction extrême à contempler les traits de ses ancêtres, surtout s’ils se sont illustrés dans le gouvernement de l’état, dans la guerre et dans la paix, dans les lettres ou les arts ? À quelle fin, comme nous l’avons dit ailleurs, les anciens plaçaient-ils les images de leurs grands hommes dans les lieux