Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mort d’une telle beauté, que Louis XI, roi de France, le demanda avec instance aux religieux, qui le lui donnèrent, bien qu’à contre-cœur. À la place de ce Christ, on en mit un autre signé du nom de Giovanni, mais il est très-inférieur au premier, et on croit même qu’il est de Girolamo Mocetto, élève de Giovanni. La confrérie de San-Girolamo possède de Giovanni des figures en petite proportion fort estimées, et Messer Giorgio Cornaro un Christ accompagné de Cléophas et de Luc. Giovanni peignit, en outre, dans la salle du conseil, les Vénitiens tirant du monastère della Carità je ne sais quel pape, qui s’était enfui de Venise et caché dans un monastère où il remplissait les fonctions de cuisinier. Cette composition renferme une foule de portraits d’après nature et de belles figures.

Peu de temps après, le Grand-Turc fut si émerveillé de quelques portraits de Giovanni qui lui furent offerts par un ambassadeur, qu’il les accepta volontiers, malgré la loi musulmane qui défend les peintures, et que même il pria le sénat de lui en envoyer l’auteur. Les sénateurs, considérant que Giovanni ne pouvait, à cause de son grand âge, supporter les fatigues du voyage, et ne voulant pas d’ailleurs priver Venise de cet homme illustre qui travaillait alors dans la salle du conseil, résolurent de faire partir son frère Gentile, qui était l’homme le plus capable de le remplacer. Gentile fut donc conduit par les galères vénitiennes à Constantinople où il fut présenté, par le bailli de la seigneurie, à Mahomet, qui l’accueillit avec toutes sortes de caresses.