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père. Jacopo leur enseigna lui-même avec soin les principes du dessin ; mais il ne tarda pas, à sa grande joie, à se voir dépassé par ses jeunes élèves. Il les excitait souvent à imiter l’exemple des Toscans, qui, poussés par une noble émulation, cherchaient à vaincre les athlètes qui les avaient précédés dans la lice. « Ainsi, disait-il, il faut que Giovanni me surpasse, que Gentile l’emporte sur Giovanni et sur moi, et que Gentile, à son tour, soit laissé en arrière par ceux qui viendront après lui. »

Les premiers ouvrages qui mirent Jacopo en réputation furent les portraits de Giorgio Cornaro et de Catherine, reine de Chypre ; une Passion du Christ qu’il envoya à Vérone, et dans laquelle il introduisit son propre portrait ; et une Histoire de la croix qui, dit-on, est aujourd’hui dans l’école de San-Giovanni-Evangelista. Tous ces tableaux et beaucoup d’autres encore furent peints par Jacopo, avec l’aide de ses fils. Le dernier est sur toile, selon l’usage des Vénitiens qui rarement se servaient, comme les artistes étrangers, de panneaux en bois d’aubier ou d’ypréau, que l’on préfère aux autres, parce qu’ils présentent le plus de solidité. Mais à Venise on ne fait point de panneaux, ou si par hasard on en fait, on n’emploie que le sapin que l’Adige amène en abondance de l’Allemagne, sans parler de celui que fournit l’Esclavonie. Ainsi, on a coutume à Venise de peindre sur toile, soit parce qu’elle ne peut se fendre et se vermouler, soit parce qu’elle se prête à toutes les dimensions, soit enfin parce que les tableaux sur toile peuvent être