Page:Vasari - Vies des peintres - t3 t4, 1841.djvu/127

Cette page a été validée par deux contributeurs.

annales. Il y a là une criante injustice du sort ; car, disons-le parce que cela est vrai, le plus grand mérite de Bramante et de Jules II consiste à avoir exécuté une partie des conceptions de Bernardo Rossellino et de Nicolas V. À ceux-ci appartiennent les premiers plans de la basilique de Saint-Pierre. Déjà le chevet de l’église s’élevait hors de terre lorsque la mort, en frappant le pape Nicolas V, fit Jules II et Bramante héritiers, non-seulement de l’entreprise, mais encore de l’honneur d’en avoir eu l’idée. La description du projet général de Rossellino et de Nicolas V, qui nous a été transmise par leur contemporain Gianozzo Manetti, suffit pour montrer combien il dut influer sur la destinée du plus vaste monument des temps modernes, qui, on l’a vu, n’était qu’un accessoire dans cette merveilleuse édification où le chef de l’Église aurait rassemblé autour de lui ses cardinaux, sa cour, et tous les empereurs, les rois et les princes de la chrétienté. Mais Rossellino aurait-il été capable d’exécuter ce qu’il avait pensé, Nicolas V de poursuivre jusqu’au bout la réalisation de son rêve ? Nous n’en saurions douter un instant. Nicolas V avait le pouvoir et la volonté, ces deux puissants leviers au moyen desquels on retournerait le globe. Ce qu’il faisait pour les lettres, pourquoi ne l’aurait-il pas fait pour les arts ? C’est lui qui offrait à Francesco Filelfo, pour la seule traduction d’Homère, un splendide palais à Rome, un domaine avec de riches revenus, et de plus dix mille écus d’or, somme énorme pour le temps. Rien ne lui avait coûté pour naturaliser en