Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le style dorique, emprunté aux errements des âges primitifs, reflétant encore l’esprit de conservation et de stabilité représenté dans la multiplicité grecque par la race dorienne, par l’aristocratique Lacédémone surtout, se prêtait à l’expression de la force et de la solidité. Ses profils abruptes, ses massives colonnes, qui souvent n’avaient pas quatre fois leur diamètre en hauteur ; ses chapiteaux austères, qui souvent restaient dénués de l’astragale et du gorgerin, et dont toujours le saillant abaque abritait largement le fût et portait fièrement le poids de l’architrave, fournissaient tous les aspects mâles dans toutes leurs nuances et dans tous leurs degrés. Son caractère spécial, suivant les modifications diverses, embrassait depuis l’âpreté et la lourdeur même jusqu’à l’héroïsme et la majesté. Le style ionique, moins ancien, moins solidaire de l’élément primordial, double produit du riant climat de l’Asie Mineure et de l’esprit indépendant et progressif de la race ionienne, représentée surtout par la démocratique Athènes, a moins de sévérité et plus d’élégance. Ses profils fins, ses colonnes sveltes que le vieux Vitruve comparait au corps de la femme ; ses chapiteaux compliqués et purs, avec leurs délicats filets, avec leurs volutes enroulées, qu’il comparaît encore à sa chevelure, traduisaient, suivant leur richesse ou leur simplicité, toutes les impressions de beauté, de grâce, d’amour et de volupté ; enfin, le style corinthien naquit ou plutôt se fixa dans les plus beaux temps de la Grèce. Il est peut-être enfant déjà de ce perfide besoin qu’éprouvent les nations