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vieilles légendes du monde hellénique qui vous le racontent. Malgré la distance et l’effacement, vous distinguerez encore les témoignages saisissants de la naissante sympathie des peuples ; vous entendrez surtout tonner la sombre voix du sacerdoce irrité, qui poursuit et maudit les premières tentatives d’indépendance et de progrès ; partout le sacerdoce, menacé dans le caractère de perpétuité qu’il s’arroge, évoque contre les premiers transgresseurs de ses lois immobiles le terrible fantôme du destin. Ici l’artiste téméraire qui se sera révolté contre le culte du repos et de la mort, qui aura été demander à Minerve, c’est-à-dire au génie de l’étude et du progrès, une autre inspiration, qui aura voulu enfin, dans son orgueil, se rapprocher de Dieu, et façonner comme lui, de ses mains et à sa propre image, une argile vivante et passionnée, sera puni dans sa tentative et trompé dans son espérance. Prométhée impuissant, enchaîné, se bat la tête et ensanglante ses mains sur le bloc primitif qu’il a voulu transformer ; une inquiétude éternelle lui rongera le flanc, et, pour récompenser sa recherche indiscrète, les illusions les plus décevantes, les mécomptes les plus cruels, se répandront dans le monde. C’est la curiosité, la fantaisie, l’imagination ; c’est l’enchanteresse Pandore qui les y sème pour la vengeance des Dieux et le malheur des hommes ; là, Orphée expie son génie sous les saintes fureurs qu’il a soulevées ; là, Phaëton, autre fils d’Apollon et des Muses, tombe foudroyé pour avoir manqué d’incendier le monde sous le char embrasé de la lumière et de la