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la vertu dont Fra Giovanni donna une preuve si éclatante en refusant ce glorieux poste offert par un souverain pontife, et en désignant avec candeur celui qu’il en croyait justement le plus digne ? Que l’exemple de ce saint homme apprenne aux religieux de nos jours à ne point accepter de charges au-dessus de leurs forces, et à les céder à ceux qui sont capables de les porter. Plût à Dieu que tous les religieux consacrassent leur vie, comme cet homme vraiment angélique, au service de Dieu et du prochain ! Que peut-on ou que doit-on plus désirer que d’acquérir le royaume du ciel en vivant saintement, et une renommée éternelle sur la terre en produisant des chefs-d’œuvre ? Du reste, un talent comme celui de Fra Giovanni ne pouvait et ne devait appartenir qu’à un homme de sainte vie. Les peintres qui traitent des sujets pieux doivent être pieux eux-mêmes. Les peintres qui accordent peu de foi et peu d’estime à la religion font souvent naître par leurs ouvrages des désirs déshonnêtes et des pensées lascives[1]. Je ne voudrais pas cependant que l’on arrivât à trouver pieux ce qui n’est que fade, et lascif ce qui n’est que beau. Que de gens crient au scandale dès qu’ils aperçoivent une figure d’homme ou de femme un peu plus belle et agréable que d’ordinaire ! Comment ne comprennent-ils pas qu’ils condamnent à tort l’artiste qui a judicieusement pensé que les saints et les saintes qui ont une essence céleste doivent autant l’emporter sur les

  1. Nous engageons la critique catholique à réfléchir sur la fin de ce paragraphe, qui peut lui être très-profitable.