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Absorbée dans une rigide unité, immobile, le corps maigre, anguleux, raide et démesurément allongé sous une sèche et pesante draperie, elle semble moins aspirer au ciel que regretter ses gloires helléniques, et pleurer ses anciennes amours. Comme jadis en Egypte, le type austère et inflexible imposé par le dogme l’accable et l’étouffe. Elle songe à l’homme, elle songe à Athènes : l’ont-ils oubliée ? lui feront-ils défaut ? non. L’un et l’autre vont travailler à déchirer le suaire dans lequel elle gît emmaillottée. Un navire cingle vers le Campo-Santo et apporte un souvenir d’Athènes. Aussitôt un homme, Niccola de Pise s’en empare, et proclame l’émancipation de la statuaire. Mais, hâtons-nous de le dire, l’Église comprend toutes les conséquences de la révolte, si elle s’y oppose ; et elle s’avoue que le meilleur et le plus sûr moyen d’y remédier est de s’y prêter. Maintenant que nous avons rejoint Vasari, il nous suffira de rappeler les noms des hommes qu’il nous a si bien fait connaître, pour marquer chaque pas de la sculpture vers son épanouissement. À Niccola de Pise succèdent Agostino et Agnolo ; à Andrea de Pise, Orcagna ; à Jacopo della Quercia, l’illustre Ghiberti, et notre grand Donatello. Bientôt le divin Michel-Ange Buonarroti, de sa main invaincue et invincible, conduira l’art à son but : l’alliance du verbe avec la chair réhabilitée et triomphante.