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DONATO.

l’Homme-Dieu de Nazareth. Ces rudes ascètes s’indignaient de ce que l’eau du baptême n’eût pas plus nettoyé son âme de ses vices, qu’elle n’avait guéri son corps de la lèpre et des dartres. Cependant, l’Eglise, qui n’osait pas trop s’attaquer de front aux fantaisies du maître ; l’Eglise, prudente, transigea et patienta. Peut-être aussi espérait-elle convertir et ramener à des principes plus sévères l’art, auquel, depuis longtemps d’ailleurs, sa politique, en dépit de sa morale, avait permis de s’introduire jusque dans les catacombes. Mais, hélas ! à peine Constantin et ses trois fils eurent-ils été touchés par l’ange de la mort, que l’art apostasia avec Julien, et déserta la croix du Sauveur pour les foudres de Jupiter, la blanche colombe et l’agneau sans tache pour Vénus, Mars, Cybèle et Priape. Les supplices les plus atroces frappèrent les disciples de Jésus qui s’étaient montrés hostiles à l’apostat. Aux pieds des idoles élevées par l’art renégat à Césarée, à Ascalon, à Héliopolis, à Gaza, des milliers de fidèles furent égorgés, d’autres déchirés par des ongles de fer, d’autres éventrés par les broches des cuisiniers et les quenouilles des femmes ; d’autres eurent les entrailles dévorées par des cannibales, ou brouillées avec de l’orge et offertes aux pourceaux[1]. Enfin, lorsque Julien, le corps percé d’une javeline, eut lancé à deux mains son sang vers le ciel, en s’écriant : « Tu as vaincu, Galiléen[2] ! » l’art se repen-

  1. Sozomen., lib. v ; Theodoret., lib. cx  ; Greg Naz., Orat. IX.
  2. Aiunt illum, vulnere accepto, statim haustum manu suâ sanguinem in cœlum jecisse, hæc dicentem : « Vicisti, Galilæe ! » — Sozom., lib III  » cap. 25, p. 147.