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DONATO.

Alors, le misérable, les cheveux rares et hérissés, les yeux hagards et faméliques, les joues sèches et déformées, la bouche torse et béante, la peau bourbeuse et rongée d’ulcères, la poitrine cave, l’échine hideusement bombée, les bras comme ceux d’un squelette véreux, les jambes estropiées et trébuchantes, alla rouler dans la boue du ruisseau. Claude II, Aurélien, Probus, Carus, Dioclétien et Constance-Chlore, furent également sans pitié pour lui : ils le laissèrent frapper à la porte des cabarets et des lupanars, mendier auprès des baladins, des gladiateurs, des cochers, des prostituées et de la plus vile gueusaille de Rome. Gisant à la borne du carrefour, en butte aux risées, aux railleries, aux cruautés des enfants, aux aboiements et aux morsures des chiens, l’art, poussant des hoquets convulsifs, était près de rendre le dernier soupir, lorsque Constantin l’enveloppa dans sa pourpre et le conduisit aux rives du Bosphore.

Bientôt, baptisé chrétien, l’art païen renia son nom et emprunta celui de Byzance, la nouvelle métropole du monde. Mais les temps d’épreuves et de tribulations, pour être moins douloureux, n’approchaient guère de leur terme. Tantôt protégé et accablé, par la prodigalité fastueuse de Constantin, de trésors enlevés à Rome, à la Grèce et à l’Asie ; tantôt abandonné et livré, par l’humeur capricieuse du prince, à la pioche et au marteau, il eut à lutter contre les mépris des rigides adorateurs du Christ, qui le voyaient, courtisan trop souple du souverain, servir à la fois et les divinités de l’Olympe et