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DONATO.

chanales héliogabalesques, l’art romain, qui croyait sa fin prochaine, voulant assister lui-même à son banquet funéraire, rassembla toute son ardeur pour se ruer d’un élan furieux dans les tourbillons vertigineux de l’orgie. Vêtu d’une robe d’or et d’argent émaillée de pierreries éblouissantes, qui réussissait moins à cacher qu’à mettre en relief ses formes lascives, il brilla d’une beauté météorique et infernale, que lui donnait l’espoir de mourir dans l’ivresse sur la soie empourprée de vin et de sang, parsemée de roses et de violettes. Mais pour lui l’heure finale ne devait pas sonner de si tôt. Il fallait qu’il reçût le prix de ses iniquités ; il fallait qu’il passât par toutes les angoisses d’une expiation mille fois plus cruelle, plus ignominieuse et plus longue, que le supplice infligé à son maître Héliogabale. Dépouillé de sa parure impudique, et condamné au jeûne le plus extrême, par Alexandre Sévère, il aurait succombé sous le froid et la faim, si un os et une loque ne lui eussent été jetés par un soldat de race barbare, par Maximin, géant de huit pieds et demi de haut, qui se récréait à briser d’un coup de poing les dents ou la jambe d’un cheval, à terrasser trente lutteurs l’un après l’autre sans se reposer, à montrer plusieurs coupes pleines de ses sueurs, à engouffrer en un seul jour dans son vaste estomac quarante livres de viande, à livrer les meilleurs citoyens aux bêtes féroces, à les crucifier ou à les coudre dans les carcasses d’animaux fraîchement tués[1].

  1. Erat prætereà (ut refert Cords) magnitudine tanta, ut octo pedes