Nous n’exagérons rien. Pour le prouver, il suffira de dire quels étaient les hommes, personnifications vivantes de Rome, sous lesquels elle fonctionna, et l’on comprendra ce qu’elle dut devenir avec l’architecture et la peinture, ses sœurs, dont le sort fut presque semblable au sien. Les hommes qui la polluèrent ne furent autres que les empereurs. Suivons-les donc depuis Auguste jusqu’à Constantin[1]
Auguste, ce cœur froid et calculateur, qui joua, durant sa vie entière, à la séduction, espérant tirer profit de l’art qui lui échut encore tout souffrant des blessures qu’il avait reçues à Elis et à Corinthe, lui farda les joues, afin de dissimuler sa pâleur, lui couvrit les épaules d’un manteau brodé avec soin, et le livra à la corruption matérielle et intellectuelle, à la subtilité, à l’enflure, au mensonge, à l’adulation, à la bassesse, à la sensualité et à la luxure. Après Auguste, l’art suivit le dieu des délateurs, Tibère, dans l’île de Caprée, théâtre de tous les crimes, et refléta l’atroce physionomie du monstre qui prit consciencieusement à tâche de rassembler toutes
- ↑ M. de Chateaubriand a certes rendu un grand service, en ne reculant pas devant la tâche pénible d’exposer l’énormité des mœurs païennes, afin de faire mieux apprécier tout ce que le christianisme eut de providentiel et de réparateur. — Nous avons cru bon, à son exemple, de faire passer enfin sous les yeux des artistes, dans un livre qui leur est spécialement destiné, les mêmes textes et les mêmes faits. Ces textes et ces faits, empruntés à l’histoire, serviront à édifier sur le milieu abject et ignoble dans lequel l’art romain, si mal apprécié jusqu’ici dans ses différentes phases, a dû nécessairement opérer et se dégrader. Si nous n’avons pas le mérite de donner à ces documents l’admirable forme dont les a revêtus l’illustre écrivain, nous aurons au moins la discrétion d’accepter le choix judicieux qu’il en a fait.