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homme se lève et fasse le premier pas, il sera salué par de larges acclamations. Voyez quels sinistres pressentiments rident le front des vieux ouvriers byzantins. Ceux-là sont cloués à leurs croyances ; comment pourront-ils suivre la marche ? Une poignante anxiété se révèle dans chacune de leurs œuvres. Ils se débattent et pleurent la perte de leur repos.

Un homme naît à Florence, Cimabue. Avide de vérité, impatient d’avenir, il n’ignore point les erreurs, les souffrances, les inquiétudes du jour. Il veut y remédier. Il comprend le besoin de fonder une doctrine bienfaisante, féconde, harmonique, progressive. Quelle influence exercera-t-il sur son époque, sur l’avenir ? quel sera son essor ? son rôle sera-t-il éphémère ? ses efforts seront-ils stériles ? le germe qu’il porte doit-il fructifier ou avorter ? que jaillira-t-il de sa tête ? quels enseignements va-t-il formuler ? Relever l’homme de son abaissement, lui rendre la dignité, chasser la superstition, briser la tyrannie de l’Église, abandonner la routine de Byzance, corriger et élargir la tradition : telles sont les nouveautés émises par Cimabue, mais d’une manière vague, indécise, timide. Le noble Cimabue eut peur de sa hardiesse. Heureusement, grandissait près de lui, dans son atelier, un intrépide enfant qu’il avait arraché à la garde des troupeaux. Le pâtre Giotto, nourri des idées de son maître, se les assimila, et les érigea en principes qu’il soutint et propagea avec une audace que le bonheur couronna. Lorsque Giotto eut déployé le drapeau du