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n’expirera-t-il en arrivant au but, avant d’avoir touché des lèvres à la coupe qu’il aura travaillé à remplir ?

Paolo Uccello eût vécu riche, tranquille, célèbre même, s’il eût consenti à payer tribut à la routine. Mais il s’engagea de lui-même dans la raboteuse carrière de l’apostolat, et ni la misère qui chaque jour frappait à sa porte, ni les injustices, ni l’ingratitude de ses contemporains, ne furent capables de lui faire décliner sa mission.

Pour accomplir la révolution que tous les esprits sollicitaient, il fallait commencer par opérer des réformes partielles et radicales. Vers le dessin, cette partie essentiellement architectonique de l’art, devaient naturellement se tourner les premiers, les plus puissants efforts.

Le dessin, pour Uccello comme pour les Grecs, était le moyen principal de la manifestation de la vie dans les images des corps ; une fois le dessin réhabilité, une fois la vie manifestée, le reste ne se fera pas attendre. Mais le dessin, fils de la science des proportions justes, ne pouvait se relever sans l’aide de la perspective, fille des mathématiques. Or, la perspective était morte ; le siennois Stefano avait été inhabile à la ranimer ; notre Paolo jura d’être plus heureux, et il tint sa promesse. La tâche était grande et forte ; son courage, sa constance furent plus grands et plus forts. Sans relâche, et la nuit et le jour, acharné à son œuvre, il poursuivit la perspective, et lorsqu’il eut vaincu cette ennemie il en fit son amie. Quand Donatello, par ses raille-