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fraîches et abondantes semblent appartenir à un âge plus privilégié. Jamais il n’abuse de ses moyens ; jamais il ne fait appel à une insolente facilité.

Quant à ses statues et à ses bas-reliefs coloriés et émaillés, si nous mettons de côté leur convenance et leur utilité comme élément décoratif dans le système architectural ; si nous les prenons isolés, nous serons forcés d’avouer que s’ils exercent un vif prestige sur les gens superficiels, ils ne peuvent entièrement satisfaire les exigences des connaisseurs. La sculpture ne devait pas impunément franchir toutes les bornes, et élargir son domaine en empiétant sur la peinture. Sans parler des difficultés immenses d’exécution que présentait cette méthode par l’absence d’une gamme complète de couleurs fusibles par l’action souvent pernicieuse du feu, et par mille accidents imprévus, on comprendra facilement que le résultat infaillible d’une épaisse couche de vernis est d’alourdir et d’affadir les touches nerveuses de l’ébauchoir. De plus, par la coloration, les reliefs arrivent à une telle lutte avec la nature, qu’après le premier mouvement de surprise, on ne saurait se défendre du dégoût et de l’effroi que ne manquent jamais de produire ces trompe-l’œil, ces fantômes menteurs, imitations imparfaites de la vie. Au contraire, si l’on considère une sculpture de marbre, de bronze ou de toute autre matière monocrome, qui conserve la juste distance qui sépare l’art de la réalité, l’esprit admire et s’exalte à mesure qu’il comprend et saisit les beautés et les perfections qui rapprochent l’œuvre du ciseau du modèle de la nature.