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LUCA DELLA ROBBIA.

fréquents exemples de ces luttes avec la faim, le froid et les privations de tous genres. Admirable noviciat du génie, qui double son énergie et lui inspire une hardiesse et une résolution dont l’empreinte reste profondément gravée sur toutes ses productions !

Comme la plupart des plus fameux artistes de cette époque, Luca della Robbia commença par entrer dans l’atelier d’un orfévre. Les riches ornements des sanctuaires, les élégants joyaux des mariées, les splendides vaisselles des princes, les précieuses armures des capitaines et des généraux, offraient aux jeunes sculpteurs de fructueuses occasions de s’exercer. Sous leurs doigts, l’argile et la cire prenaient mille formes ravissantes, que le bronze, l’or ou l’argent leur empruntaient avant de se soumettre à la lime du ciseleur. De là peut-être vint aux Ghiberti, aux Pollaiuoli, aux Verrochio, cette étonnante facilité qui leur permit de créer tant de chefs-d’œuvre, que nous avons peine à comprendre comment ils ont pu suffire seulement à ceux qui sont parvenus jusqu’à nous, sans tenir compte de tous les autres, en bien plus grand nombre, que leur fragilité ou le prix de leur matière ont livrés à la destruction du temps ou d’une aveugle et ignorante cupidité. C’est à cette prodigieuse facilité, sans doute, qu’il faut attribuer la révolte de notre Luca contre le granit, le marbre et le bronze, qui ne cédaient pas assez vite au gré de ses désirs. Impatient de payer son tribut, à l’exemple de ces hommes qu’il voyait chaque jour témoigner de leur recon-