Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/586

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soutien. Loin de là, les hommes de Florence comptent sur leurs seules forces, sur leur propre courage, sur leur indépendance : un guide, un soutien, gênerait, retarderait leur vol audacieux. Ils tendent tous, ils arrivent tous au même but, mais par mille voies différentes, mais sans jamais fouler le même sentier. Ce fut un grand bonheur s’il ne se montra point alors un Michel-Ange, planète éblouissante qui aurait converti tous ces astres en vils satellites ; géant brutal qui aurait tordu en instruments serviles toutes ces vives et fécondes intelligences, pour les rejeter stériles, après en avoir pressuré le suc sous son étreinte de fer ; tyran sans pitié qui aurait ordonné à ces moissonneurs de faucher et de glaner à son profit. Aussi la récolte fut-elle riche et variée ; aussi, point de cette accablante uniformité qui dénote l’asservissement et la médiocrité ; aussi, point de royauté absolue qui indique un puissant, mais beaucoup de faibles.

Parmi ces rudes ouvriers qui accomplirent si glorieusement leur tâche, Luca della Robbia occupe à bon droit une place distinguée. Dès son enfance, il se livra à l’étude avec une ardeur qui présageait le rôle actif qu’il allait jouer durant le cours entier de sa vie. Il passait le jour à manier le ciseau, la nuit à dessiner. Alors, souvent le froid le saisissait ; mais, pour ne pas quitter son travail, il se réchauffait les pieds dans une corbeille pleine de copeaux. Ces naïfs détails, que nous transmet Vasari, contiennent des enseignements qui ne sont pas à dédaigner. Les natures intrépides et progressives fournissent de