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Santa-Maria-del-Fiore. Luca forma son soubassement de Chœurs de Musiciens et de Chanteurs, qu’il traita avec un tel art, que l’on distingue facilement leurs moindres mouvements, quoiqu’ils soient élevés à seize brasses du pavé de l’église. La corniche qui couronne ce bel ensemble est surmontée de deux Anges en métal doré, qui sont d’un fini extraordinaire. Mais ces ornements sont bien loin d’égaler ceux du second orgue de la même église, que l’on doit au génie de Donatello. Cet artiste laissa ses figures presque à l’état d’ébauche ; il comprit que de loin elles produiraient beaucoup plus d’effet que celles de Luca, et que l’œil ne perdrait rien. Cela mérite toute l’attention des artistes, car l’expérience a prouvé qu’une statue ou une peinture, vue de loin, a infiniment plus de force et de relief si elle est largement ébauchée, que si elle est minutieusement finie. En outre, les ébauches, dans le feu de la composition, prennent un caractère vigoureux qui trop souvent disparaît sous les mains de ceux qui ne peuvent ou ne savent s’arrêter à temps. Les arts du dessin, pour ne pas dire la peinture seulement, sont semblables à la poésie. Une énorme distance sépare les rimes jetées avec verve de celles qui sont le fruit de pénibles efforts. Il en est de même pour les œuvres des peintres et des sculpteurs. Dès que l’on a arrêté son plan, il faut que le travail soit ferme et facile. Cependant on rencontre des exceptions qui, à la vérité, sont rares. Ainsi, parmi les poètes, le révérend et docte Bembo passa, dit-on, des mois et des années sur un sonnet. On a