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PRÉFACE DE L’AUTEUR.

Jusqu’à présent j’ai discouru sur les commencements de la sculpture et de la peinture, et peut-être plus longuement que je n’aurais dû le faire en cet endroit ; mais je ne me suis pas tant laissé emporter par mon sujet que par le désir d’être utile à nos artistes. En leur montrant que, semblable à l’homme, l’art naît, grandit, vieillit et meurt, j’ai voulu les mettre à même de comprendre plus facilement sa renaissance et la perfection à laquelle il est arrivé de nos jours. J’ai encore voulu que, si, par l’incurie des hommes, la malignité des siècles ou l’ordre des cieux, l’art venait à éprouver les désastres dont il a déjà été victime, mes travaux pussent servir à arrêter sa ruine ou au moins à relever le courage des artistes et à les aider, en leur rappelant les exemples et les procédés des grands maîtres que personne, s’il m’est permis de parler avec franchise, n’a pris le soin de recueillir jusqu’à présent.

Mais il est temps d’arriver à la vie de Giovanni Cimabue. Le premier il pratiqua le nouveau mode de dessiner et de peindre ; il est donc juste et convenable qu’il occupe la première place dans ce livre où je me laisserai guider par les œuvres plutôt que par les dates. J’ai rassemblé à grand’peine et à grands frais des portraits qui rendront la physionomie de chaque artiste mieux que ne saurait le faire la plus éloquente description. Si, par hasard, ces portraits n’étaient pas entièrement semblables à ceux que l’on trouverait ailleurs, je prie de vouloir bien considérer que la tête d’un homme de dix-huit ou vingt ans est toujours différente de celle d’un homme de trente-cinq ou quarante ans. À cela j’ajouterai qu’un portrait dessiné ne peut valoir un portrait peint, et que les graveurs qui n’ont aucune connaissance du dessin ne manquent jamais d’estropier une figure en lui enlevant ces finesses qui en font le charme et la ressemblance.

En somme, mes lecteurs verront que je n’ai épargné ni soins, ni dépenses, ni fatigues, ni recherches.