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réclame, mais que l’école ne le compte pas. Giotto a servi l’art en général. Quand Cimabue l’avait trouvé couché dans la campagne, et dessinant naïvement d’après nature sur le sable, il avait été lui-même frappé de sa vocation. Giotto, en effet, dès ce jour, possédait et la volonté et le moyen. Cimabue n’avait qu’à ne pas tordre le jeune enfant et à le laisser faire. Bientôt tous les ouvriers de l’Italie devaient entendre son appel et être conviés, par ses exemples, à débarrasser l’art italien des langes byzantins. Telle était l’œuvre du Giotto, tel était son apostolat. Partout ne devait-on pas procéder par une première et naïve interrogation de la nature ? Ne fallait-il pas regarder une première fois ingénument le monde extérieur, avant de décider dans quel sens on l’interpréterait ? Partout donc Giotto dessilla les yeux, mais nulle part il ne força les esprits à se prononcer. Est-ce trop ? n’est-ce pas assez dire pour la gloire de ce grand homme ? Nous croyons qu’on trouvera l’un ou l’autre au gré des passions locales, car nous connaissons la façon dont on apprécie trop ordinairement les choses dans les arts, où, par on ne sait quelle triste manie, on soulève toujours, à côté des objets les plus limpides et les plus utiles, les discussions les plus mesquines et les plus insolubles. Mais quoi qu’on puisse en penser, nous ne serons pas moins sûrs d’être dans le vrai, en disant ici que Giotto ne fut pas l’homme d’une école en particulier, mais bien l’homme de toutes les écoles ensemble. Le mouvement qu’il imprima fut tellement sympathique, que ses élèves immédiats n’en-