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marche, que la conviction du génie s’exalte par cela même qu’autour de lui chacun déclare que la voie est fermée. Le nom du Giotto couvrait tout ; son souvenir abritait ses élèves et ses continuateurs. « Giotto occupe le champ de la peinture, » avait dit le Dante ; « il n’est rien dans la nature que Giotto ne puisse imiter jusqu’à l’illusion, » disait Boccace ; « Giotto a des beautés que les ignorants peuvent bien ne pas comprendre, mais qui stupéfient les maîtres, » disait Pétrarque. Cependant l’Orcagna s’arrêta court et ne voulut point continuer le Giotto. Où donc voulait-il aller ? Prétendait-il retourner aux errements surannés des byzantins pour lesquels combattaient encore dans Florence plus d’une médiocrité jalouse, plus d’un talent obstiné ? Non, décidément pour lui l’école byzantine était morte ; Giotto, homme de génie et de progrès, l’avait tuée en s’en écartant. L’Orcagna, homme de génie et de progrès, tout en s’éloignant du Giotto, ne voulait ni renier ni méconnaître son œuvre. Le puissant instinct de l’Orcagna avait découvert une tâche autrement glorieuse que celle de restaurer ce qu’un autre avait détruit ; chose qui en soi est encore détruire. N’avait-il pas l’école florentine à fonder ? Car il ne faut pas qu’on s’y trompe, jusqu’au moment où nous rencontrons Orcagna, nous n’avons point encore vu d’artistes vraiment florentins dans le sens complet de ce mot. Cimabue, seul peut-être dont le talent peut plutôt se déchiffrer que se lire, donnerait quelques vagues pressentiments du caractère futur de l’école. Quant à Giotto, que la patrie le