Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/375

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chrétienne. N’étaient-ce pas en effet les imposantes allures, les grands galbes, les draperies simples, les masques austères et tranquilles du Christ, des Apôtres et des saints, que la mosaïque surtout devait tendre à fixer en les épurant, puisqu’elle avait eu la gloire d’y être employée pendant tant de siècles. Loin de là, nous la verrons, rougissant plus que la peinture peut-être de ce qu’elle devait à l’école byzantine, s’efforcer de plus en plus de rompre tous les liens de ses traditions, pour courir après les prodiges de la patience et les miracles de la copie. Nous rencontrerons plus tard, dans les ateliers de Venise, les ardents promoteurs de cette définitive révolution de la mosaïque. Après les remarquables essais de Marco Rizzo et de Vincenzio Bianchini, l’auteur de ce fameux jugement de Salomon qui se voit sous le péristyle de Saint-Marc, le Vasari nous parlera des deux grands maîtres de la mosaïque qui payèrent si chèrement leur supériorité, des malheureux frères Francesco et Valerio Zuccati, ces étonnants ouvriers qui, pour l’honneur de l’art, trouvèrent moyen de travailler avec tant d’audace et de verve dans un métier aussi ingrat ; qui, laissant de côté les calques, les patrons, les découpures, opéraient résolument, sans préparatif aucun, sous l’œil étonné du Titien et du Tintoret. Mais ceux-là qui dépassaient ainsi toutes les limites de leur métier, par l’adresse et le génie, essayèrent, dit-on, de monter encore plus haut par la supercherie. Pour atteindre au prestige des toiles vénitiennes, ils empruntaient, en le déguisant, le secours de la palette et