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des absides ? Quelle métaphysique, étrange autant que certaine cependant, avait appris qu’à défaut du savoir et de la beauté, l’ignorance et la laideur mettraient ces œuvres au-dessus des formes vulgaires et des expressions communes ? Pourquoi ces longues figures, ces membres grêles, ces attitudes muettes, ces yeux fixes, ces mains desséchées, ces pieds qui ne portent sur rien ? Les Byzantins le savaient-ils ? S’étaient-ils dit qu’il convenait de figurer ainsi l’ascétisme qui nie et dévore le corps ; et le dessin de ces pauvres ouvriers était-il une véritable exégèse biblique ? Il faut le croire ; car, au milieu de ces barbares linéaments, il y a trop d’intentions sur lesquelles il n’est pas permis de se méprendre.

Cependant, il ne faudrait pas s’y tromper, sous ces vieux monuments de la mosaïque byzantine perce déjà le caractère que revêtira plus tard la peinture moderne. L’impression qui en résulte est trop profonde pour que l’avilissement de la forme n’y annonce pas le futur règne de l’expression, et que l’immobilité du mouvement n’y promette pas à l’avenir la profondeur de la pensée. Aussi, ce fut un beau temps pour la mosaïque que l’époque où travaillèrent le grand Turrita, ses habiles élèves, et ses nombreux continuateurs, dans le treizième et le quatorzième siècle, lorsque Cimabue, les Gaddi, Giotto, et Pietro Cavallini, imprimant, suivant leur force et leur génie, sur le fond byzantin, les premiers et naïfs pressentiments de l’art moderne, vinrent ajouter une grâce et une noblesse indicibles à ces expressives et sauvages représentations. Mais