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BUONAMICO BUFFALMACCO.

harmonie, aurait cherché à la reproduire dans une humble imitation. Mais non ; l’indifférence et le dégoût étaient là qui veillaient avec une rigueur qui tient vraiment du mystère. Pas une tentative ne fut faite dans ce sens pendant plus de mille ans, pas un symptôme de regret, pas un mouvement d’élan. L’art antique s’était lui-même démoralisé ; sa forme avait été maudite ; et, pour le relever utilement de l’anathème, les temps n’étaient pas mûrs encore. Il suffisait probablement au moyen-âge de conserver les éléments et les œuvres sans s’y laisser passionner ni éprendre. Il fallait alors au moyen-âge recueillir d’une main et disperser de l’autre, conserver et détruire à la fois pour que tout ne se perdît pas, et que rien n’allât trop vite. Et ce n’est pas une petite remarque à faire, que les hommes et les races peu propres à la double fonction dont nous parlons aient tous été tordus et dissipés dans leurs entreprises.

Constantinople eut le dépôt de la science, mais il lui fut défendu d’en rien faire, d’en rien tirer pour son bien et pour sa gloire. L’institut du grand Cassiodore, entièrement tourné vers la docte antiquité, n’eut pas de longues suites, et fut balancé quelque temps après par les saintes fureurs de Grégoire-le-Grand. La race gothique avec ses princes au génie vif et brillant, si disposée à se civiliser et à rappeler bientôt les temps de l’empire, fut anéantie partout en Italie, en France, en Espagne, tandis que les races féroces et réfractaires, comme les Huns, les Vandales et les Lombards même, ne purent également prendre racine nulle part. Il