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BUONAMICO BUFFALMACCO.

et que, dans ces temps, le sentiment de l’individualité qui ne faisait que naître s’ignorait encore chez la plupart des travailleurs. Ce fut un pas énorme pour eux d’avoir abandonné la routine byzantine pour entrer dans une voie nouvelle, et s’habituer à calquer le Giotto comme ils calquaient ou le Giunta ou Margaritone, ou maître Apollonio.

Or, c’est là où nous voulions précisément en venir ; dans de telles circonstances, dans un tel engouement, il devait bien se trouver quelques hommes aussi peu enclins à se complaire dans le présent que mal disposés à se confier à l’avenir. Toutes les nouvelles acquisitions, toutes les nouvelles espérances, tout le grand changement, toute l’œuvre enfin du Giotto fut mise par eux en suspicion. Ces esprits méfiants, portés à tout croire impossible ou dangereux, sont souvent d’ordre différent, et qu’il faut avoir garde de confondre. Dans ce flot d’aveugles, d’infirmes et de brutes, qui rendent parfois si dures aux vrais talents les époques de transition, il ne faut pas étourdiment s’aviser de ranger des hommes d’une toute autre étoffe, d’une toute autre signification. Il y a des génies fermes et sévères qui sont nés pour maintenir ce qu’ont maintenu les ancêtres, et pour s’enterrer noblement dans le passé quand l’avenir déborde. Dieu nous garde d’être jamais à la suite de ces hommes-là ; mais Dieu nous garde aussi de les juger témérairement ! Ces hommes peuvent avoir plus que nous l’intelligence du mérite inhérent aux choses qu’on abandonne, si nous avons plus qu’eux la conscience de la valeur