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BUONAMICO BUFFALMACCO.

peindre en détrempe. Buffalmacco ayant quitté son ouvrage un samedi soir, le lendemain matin notre singe, malgré un pesant rouleau de bois auquel on l’avait attaché pour l’empêcher de sauter de tous les côtés, parvint à grimper sur l’échafaud du peintre. Aussitôt il s’empara des fioles, des pinceaux, des couleurs, brisa tous les œufs et se mit en besogne ; il ne s’arrêta qu’après avoir tout repeint de sa patte. Alors il rassembla soigneusement sur un coin de la palette les couleurs qu’il avait épargnées, et descendit de l’échafaud fort satisfait de lui-même. Le lundi matin, Buonamico demeura stupéfait en voyant ses outils sens dessus dessous et la singulière manière dont son œuvre était corrigée. Après avoir tristement ruminé pendant quelque temps, il fut convaincu que l’auteur de ce méchef ne pouvait être qu’un habitant d’Arezzo, poussé par l’envie ou la méchanceté. De suite il courut communiquer ses soupçons à l’évêque qui s’efforça de le consoler, le supplia de recommencer son travail, et, pour prévenir tout semblable malheur, lui donna six soldats armés de fauconneaux, qui devaient, en son absence, rester en embuscade et tailler en pièces sans miséricorde le coupable s’il se présentait. Buonamico refit donc ses figures ; mais un jour les soldats qui étaient aux aguets entendent sur le pavé de l’église une espèce de roulement sourd et mystérieux ; ils cherchent et découvrent notre singe qui escalade lestement l’échafaud, prépare en un clin d’œil ses couleurs, et barbouille avec une ardeur sans égale les saints de Buffalmacco. On appelle