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BUONAMICO BUFFALMACCO.

en voyant ces petites lumières qui circulaient lentement, il trembla de tous ses membres, recommanda son âme à Dieu, récita ses oraisons et ses psaumes, et finit par se cacher sous ses couvertures, attendant en grelottant de peur la venue du jour, sans songer à troubler le sommeil de son malicieux apprenti ; le matin, il lui demanda s’il n’avait point été tourmenté par plus de mille démons. Buonamico lui répondit qu’il avait dormi tranquillement, et qu’il était étonné de n’avoir pas été appelé à la veillée. « Ah ! s’écria Tafi, je n’ai pas eu le temps de songer à peindre, et je suis décidé à chercher une autre maison. » La nuit suivante, Buonamico ne mit en campagne que trois escarbots, mais ils suffirent pour renouveler les terreurs de l’infortuné Tafi, qui dès la pointe du jour sortit de sa maison en jurant de n’y plus jamais rentrer. On eut toutes les peines du monde à le faire changer d’avis. Buonamico, après lui avoir amené le curé de la paroisse qui le consola de son mieux, finit par lui dire : « J’ai toujours entendu assurer que les démons sont les plus grands ennemis de Dieu ; par conséquent, ils doivent porter une égale haine à nous autres peintres ; car, non contents de les représenter aussi hideux que possible, nous leur arrachons encore les âmes de maints pécheurs que nous convertissons par nos tableaux religieux. Et comme la nuit, vous savez, appartient aux démons, si vous n’abandonnez pas complètement l’habitude de veiller, je crains bien qu’ils ne vous jouent des tours plus terribles que ceux dont vous avez déjà été vic-