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tait sur un mur. On se contenta de ces profils, ajoute Pline, jusqu’au moment où Philoclès d’Égypte, Cléante, Ardice de Corinthe et Téléphanes de Sicyone imaginèrent de les colorier. Chez les Grecs, Cléophante de Corinthe fut le premier qui peignit, et Apollodore le premier qui se servit du pinceau. La Grèce vit fleurir, entre autres artistes célèbres, les peintres Polygnote de Thasos, Zeuxis, Timagoras, Aglaophon et le fameux Apelle si justement apprécié par Alexandre-le-Grand, les statuaires Phidias d’Athènes, Praxitèle et Polyclète, les graveurs Lysippe et Pirgotèle, et le sculpteur en ivoire Pygmalion qui, dit-on, donna la vie à une statue.

À Rome, la peinture était en si haut crédit, que ceux qui la cultivèrent obtinrent le titre de citoyen et de grandes dignités. Un décret défendait aux esclaves d’exercer cet art dans la ville, et si quelques-uns venaient par hasard à s’y distinguer, on leur accordait la liberté et d’honorables récompenses. Les Romains avaient un tel respect pour les beaux-arts, que, lors du siége de Syracuse, Marcellus voulut non seulement que l’on traitât avec égard un peintre fameux, mais encore que l’on épargnât un quartier où se trouvait un tableau précieux qui servit ensuite à orner son triomphe. Lorsque Rome eut presque entièrement dépouillé le monde, elle s’empara des artistes et de leurs chefs-d’œuvre ; ainsi elle dut aux étrangers plus qu’à ses propres citoyens les statues qui la rendent si belle. On avait pu en compter plus de trente mille en bronze et en marbre dans la petite île de Rhodes, non moins à Athènes, un bien plus grand nombre à Olympie et à Delphes ; à Corinthe elles étaient incalculables. Ne sait-on pas que Nicomède, roi de Lycie, livra presque toutes les richesses de son peuple en échange d’une Vénus de Praxitèle ? Attale ne fit-il pas de même ? Il paya plus de six mille sesterces un Bacchus peint par Aristide. Ce tableau fut placé avec une pompe extraordinaire par Lucius Mummius dans le temple de Cérès à Rome. Mais, malgré tous les honneurs rendus à la noblesse de la peinture, il faut avouer que l’on ne sait rien de certain