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temps, avec ces talents effrontés, audacieux et impies, dissolus et matériels auxquels nous avons renoncé ? Qu’a de commun son virginal essai du Campo-Santo, si timide encore, mais déjà plein d’expression et de beauté, avec l’impudente consommation de la Sixtine, où la science mauvaise déborde ? Qu’ont de commun avec elle, et toutes celles qui lui ressemblent, ces chastes et juvéniles délinéations des fresques d’Assise, de Padoue et des tableaux d’Avignon, et ces effets si simples des mosaïques de Rome ? Et puis, diront-ils encore, le Giotto n’a-t-il pas été un homme universel ? Son svelte monument ne suffit-il pas pour faire rougir Florence de toutes les lourdes édifications quelle s’est données après lui ? Dieu, enfin, n’a-t-il pas suscité sa jeunesse pour pousser l’œuvre à laquelle Cimabue n’eût pu suffire et défaillait déjà ? Pour le tenir à la hauteur de sa mission, Dieu ne lui a-t-il pas permis l’amitié et les conseils du Dante ? Il est impossible, Giotto, de maudire ton nom gracieux !

Enfants ! il le faut cependant, ou le schisme est là ; la papauté allemande a parlé, et ses arrêts ne sont pas soumis à vos débiles intelligences. Est-ce vous, pauvres artistes de France, qui pouvez savoir jusqu’où va une idée et jusqu’où mène une transaction ? Incapables de vous élever jusqu’au culte de l’idée pure, incapables de vous défendre du danger des grossières distractions, que savez-vous si Giotto a mérité de l’art ? Et que savez-vous si la voix du Dante, que les petits enfants, les femmes et les simples disaient venir d’enfer, n’était pas en effet la voix du démon ?