Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.

proche en proche, les augustes témoignages de l’identité de l’art, éternel dans ses instincts, successif dans ses formes.

Raphaël était mis de côté comme le Carrache, le Bramante comme le Bernin, et Michel-Ange comme l’Algarde. Le travail des générations les plus héroïques, les plus consciencieuses, était nié avec la même conviction farouche qui proscrivait les œuvres les plus abâtardies et les plus compromises dans les errements des derniers temps. On laissa indifféremment en dehors de l’étude toute la production éclose sous la grande impulsion imprimée à l’art par la civilisation chrétienne, et la longue incubation du moyen-âge. Et pour voir s’accomplir le grand progrès prophétisé par Winkelmann, on dut l’envelopper tout entière, depuis Cimabue jusqu’à Lagrenée, depuis Giotto jusqu’à Lépicié, sinon dans le même mépris, au moins dans la même insouciance. C’est là que vinrent alors merveilleusement s’adapter, pour la honte de nos écoles, les préjugés étranges que nous avons combattus, que nous combattrons encore, et qu’une lecture insuffisante et tronçonnée du Vasari avait, dit-on, accrédités. Ainsi, par exemple, les professeurs disaient que, puisque l’art, soit du douzième au treizième siècle, avait été réinventé, un long laps de temps avait dû nécessairement s’écouler, avant qu’il fût assez formé pour qu’on dût tenir compte de lui. Qu’avait-on, en effet, besoin de se pencher autant pour entendre les bégaiements de son enfance, et de s’approcher pour mieux regarder le spectacle affligeant de sa primitive imbé-