malheur de l’école française, que le bon sens héréditaire de nos maîtres a trébuché sous les plus inintelligentes adorations ; que leur originalité s’est flétrie sous les plus aveugles influences ; que leur dignité s’est perdue dans les plus déplorables plagiats. Et nous n’entendons point parler ici de ce flot d’hommes ordinaires dont les traces disparaissent bientôt et qu’oublie la postérité la plus prochaine ; nous parlons des hommes les plus forts que nous aient donnés les dernières générations. Le fatal enthousiasme de Winkelmann les a tous enivrés, et leur verve, dépensée dans un pâle et insignifiant archaïsme, s’est tarie bientôt et n’a produit que des œuvres étiolées, si méritantes qu’elles soient. Les artistes, affranchis peut-être par Winkelmann des capricieuses et sales exigences, des flasques et lâches préceptes d’un goût tombé en dissolution, se sont vus irrésistiblement cloués au joug le plus lourd par cet enthousiaste calculateur du Nord, qu’ils ont pris pour un poète à cause de son délire. Toute tradition dans l’art a été rompue. Tous les souvenirs se sont perdus, tous les jugements se sont obscurcis, tous les yeux se sont fermés pour suivre cet apôtre rétrograde, et pour retrouver plus sûrement, à travers trois mille ans, les inspirations évanouies des artistes d’Athènes, de Sicyone et d’Égine. En remontant ainsi contre le cours des choses, en poursuivant on ne sait quelle formule absolue et fixe, qu’aucun temps et qu’aucune école n’ont pu garder, aussi bien dans l’antiquité que dans nos âges modernes, on rejetait le long du chemin, et de
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