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encore se l’approprier tout à fait. Ce lien dont personne, en définitive, ne saurait nier l’existence, ce lien qui fait saisir dans une seule pensée, qui rassemble dans une seule famille, qui confond sous le même nom tous les peintres, depuis Raphaël jusqu’à Van Ostade, donnerait une idée insuffisante encore de la vaste unité de l’art. Et cependant, entre ces deux termes et tant d’autres aussi distants qui se pourraient trouver, que de contrastes, que de dissemblances, que de bigarrures dans les doctrines, dans les talents, dans les recherches, dans les affections, dans les résultats ! Tout artiste qui mérite ce nom, en suivant sa pente naturelle, trouve nécessairement et suit une tendance quelconque de l’art, considéré abstractivement. Et, en effet, qui voudrait nier que le monde de l’art ne soit assez grand pour accueillir et féconder toutes les forces vives et individuelles qui peuvent se rencontrer ?

Que vient donc faire alors la critique exclusive, que viennent donc faire alors les systèmes absolus qui dédaignent, qui rejettent, qui circonscrivent et qui transforment la sainte communion des artistes en une foule de dévotions partielles toutes aussi aveugles que jalouses ? Comme s’il suffisait de crier son sentiment pour en établir la justesse ; comme s’il suffisait d’agiter ses drapeaux pour leur assurer la victoire, et de flagorner ses propres amours pour imposer leur omnipotence et leur infaillibilité ! Le monopole ne s’exerce pas long-temps sur le libre domaine de l’art, les gabelles de la critique exclusive ne sauraient y confisquer long-temps les œuvres