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pressionnent autant et l’œil et l’âme, et pour lesquelles tant de ressources et d’éléments sont négligés ; car ceux-là qui regrettent, trop indiscrètement, que le pinceau de Michel-Ange n’ait pas eu la suavité lombarde du Corrège et du Parmesan, la magie vénitienne du Giorgione ou du Tintoret, la grâce romaine de Raphaël, la richesse et la solidité espagnole de Murillo et de Ribera, la splendeur et l’harmonie flamande de Rubens ou de Rembrandt, la tranquillité et la réflexion françaises de Lesueur et du Poussin, ceux-là, à force d’avoir le goût délicat, et d’être rendus exigeants par leurs connaissances profondes, font comme ces gens d’un esprit grossier, ou d’une ignorance épaisse, qui ne respectent rien, et ne jouissent de rien.

Assurément, on peut dire qu’il n’est peut-être pas une seule branche du travail humain dans laquelle Michel-Ange n’ait pu primer, s’il en avait eu le temps, la volonté ou l’occasion ; mais on doit aussi admettre que partout Michel-Ange serait resté identique à lui-même, et que partout il serait ressorti comme nous le connaissons, c’est-à-dire l’homme qui de chaque profession n’eût fouillé que le côté rigide et savant, pour en extraire ce qui donne l’autorité et la force ; c’est-à-dire l’homme d’une affection exclusive, et d’une impassible et dédaigneuse conviction. A-t-on sondé ce mot de Michel-Ange, et qui le peint si bien, quand, tourné vers Venise, il disait que la peinture à l’huile était faite pour les femmes ? Croit-on que cette boutade portait seulement sur un procédé indifférent en lui-même ? Michel-Ange ne se