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parler d’armes, comme si tu étais Dusnam de Bavière. Je t’ai fait toute une armure sur ton pavois ; peut-être n’est-ce pas assez ? en veux-tu encore d’autres ? parle, et je les ferai peindre. » — L’autre s’écrie : « Tu me dis des vilenies, et tu m’as gâté mon pavois. » Là-dessus il part, va devant le tribunal, et fait appeler Giotto. Celui-ci comparaît, et réclame deux florins pour sa peinture. Les magistrats écoutèrent le pour et le contre, et ordonnèrent au vilain d’emporter son pavois, et de payer six livres à Giotto, qui avait raison. Le vilain emporta donc son pavois, paya et fut bafoué. Ainsi au lieu de galette il eut du pain bis.

On rapporte que Giotto, dans sa jeunesse, peignit un jour d’une manière si frappante une mouche sur le nez d’une figure commencée par Cimabue, que ce maître, en se remettant à son travail, essaya plusieurs fois de la chasser avec la main avant de s’apercevoir de sa méprise. Je pourrais raconter maintes plaisanteries de Giotto, mais je me contente de celles-ci, qui ont quelque rapport à l’art, et j’abandonne le reste à Sacchetti et aux autres (13).

La mémoire de Giotto, transmise à la postérité par ses peintures et par les ouvrages des écrivains de son temps, fut honorée d’une manière éclatante par le magnifique Laurent de Médicis, qui rendit un décret ordonnant que son buste, en marbre, sculpté par Benedetto da Maiano, serait placé à Santa-Maria-del-Fiore. Et pour encourager les hommes à imiter l’exemple de ce grand artiste, le divin Messer Angelo Poliziano composa et fit graver sur son tombeau cette inscription :