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manuscrits, les bibliothèques et les collections de l’Italie, sont parvenus à prouver que les Italiens eux-mêmes, qui cependant se targuaient d’avoir bien travaillé la matière, n’y connaissaient rien. Le savant Lanzi a été battu par les compilateurs allemands dans toutes ses têtes de chapitres, c’est-à-dire précisément dans ces pages où il expose avec tant de modération, de sens et de clarté, les commencements de chaque école. Jugez si le Vasari a dû l’être dans tout le cours de sa marche, lui qui n’avait pas passé trente ans à mettre en ordre son manuscrit, qui ne l’avait pas revu et purgé avec l’attentive assiduité d’un moine savant comme Lanzi, mais qui, au contraire, s’était en quelque sorte félicité d’avoir mené jusqu’au bout son œuvre, avec tout l’abandon d’un artiste, au milieu des occupations et des loisirs de son atelier. Du moment que non seulement Lanzi, mais encore Collucci, Lami, Malvasia, Tiraboschi, Zaist, Ridolfi, Volta et tant d’autres, étaient traités par-dessous jambes, et comme des observateurs éventés qui n’avaient rien su démêler ni rien pu préciser dans les questions incertaines évoquées par la toute-puissante patience des Allemands, jugez combien le Vasari dut faire pauvre figure devant leur sévère tribunal. Il n’est pas d’énormités et d’hérésies, en fait de goût et d’érudition, d’archéologie et d’estétique dont on ne l’ait atteint et convaincu. Enfin, de petits détails en petits détails, d’erreurs contestées en erreurs reconnues, les Allemands en sont arrivés à établir que l’art italien venait d’eux, qu’eux seuls ont su conserver ce divin art primitif auquel ils convient maintenant toute l’Europe artistique à retourner. Nous nous risquerons jusqu’à nous expliquer sur ces prétentions.

Les Français ont beaucoup écrit sur les arts ; mais quels livres ? De pauvres abrégés, d’insuffisantes et obscures compilations ; le tout plein d’une science controuvée, d’aperçus sans portée et sans liens, de renseignements sans autorité et sans crédit. Nous avons bien quelques critiques ingénieux, pénétrants et forts, la France pouvait-elle en manquer ? mais il faut reconnaître que ces critiques ont souvent remplacé l’examen consciencieux et la connaissance intime des moyens, de l’essence et du but de l’art, par