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de traités, de discours, de raisonnements, de notices et de simples observations, entreprise et recueillie par eux à ce sujet, le tout dans l’intérêt de la vérité, et plus particulièrement encore dans l’intérêt de la justice distributive. Le malheur est que, dans cet intérêt pris trop à cœur, on se trompe soi-même quelquefois, et que l’on arrive à tromper souvent les autres ; de façon que les erreurs et les mauvaises dispositions du Vasari ne deviennent plus que de très pardonnables et très insignifiantes peccadilles, à côté des sottises et des fraudes qu’un zèle mal entendu et qu’une folle prétention à briller font commettre. Mais en revanche, il faut le dire, les critiques italiens, même en suivant cette voie mauvaise, ont rendu de réels services à l’art, surtout dans ses rapports avec leur antiquité nationale et leur origine. Les plus niaises susceptibilités, les plus puériles recherches ont pu avoir de bons et notables résultats. Ainsi, la querelle ridicule et si envenimée qu’on a faite à notre auteur pour avoir nommé le Florentin Cimabue le premier en date parmi les peintres de la renaissance, a eu elle-même quelques suites heureuses. D’abord, le bruit que firent certaines découvertes propres à opposer au Vasari donna plus de valeur aux anciennes choses ; une utile réaction en leur faveur apprit à les respecter et à les conserver avec le même soin et le même orgueil qu’on mettait autrefois à les replâtrer ou à les remplacer. On les colligea avec enthousiasme, on les décrivit avec emphase, ce qui sans doute n’était pas sans inconvénient ; mais enfin le voyageur put les voir, et, loin de l’Italie, la gravure put en donner une idée. Ces deux derniers résultats valent mieux, pour l’histoire de l’art et pour ses progrès, que tout ce qu’ont pu imaginer d’ailleurs les écrivains spéciaux de l’Italie. Il faut néanmoins remarquer combien les voyageurs sont exposés, malgré tout le goût et toute l’attention qu’on leur peut accorder, à poser quelquefois les jugements les plus erronés. Écrivains, antiquaires, directeurs de musées, possesseurs de galeries, ou artistes, rivalisent entre eux pour exiger une admiration sans restriction, pour ce qu’ils décrivent ou ce qu’ils montrent. Leur enthousiasme emprunte les mêmes expressions en présence d’un Carlo Dolci ou d’un Raphaël,