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fait le caractère et la portée de cette destruction ; car, si l’altération des monuments de l’art a été lente et successive et a dépendu avant tout, comme nous le croyons, de ce penchant naturel à l’homme, d’aller au plus vite et au plus facile, et de se servir des choses surannées comme de matériaux qu’un heureux hasard lui présente, cela attesterait plutôt l’existence de l’art que sa disparition. En effet, la plupart des hommes puissants qui ont le plus voulu encourager l’art et le faire vivre, ne lui ont guère épargné ces sortes d’atteintes ; et l’épigramme, dont la verve railleuse des Romains fustigea les indécentes spoliations commises par Urbain VIII sur le Panthéon d’Agrippa, constate une vérité plus grave et plus générale qu’on ne le croit. Ce ne sont pas seulement les Barberins qui ont fait ce que les Barbares n’avaient pas fait[1] ; ce sont tous les papes ensemble, tous, jusqu’à ceux qui ont le plus honoré le saint-siége et le mieux aidé à la civilisation, comme Grégoire-le-Grand, qui fut plus impitoyable aux monuments de la Rome antique qu’Alaric et que Totila ; tous, jusqu’à ceux qui ont le plus aimé les arts et le mieux servi leurs progrès, comme Jules II, qui abattit ou démantela plus d’édifices et effaça plus de peintures dans la Rome moderne que les bandes pillardes du connétable de Bourbon. Quoi qu’il en soit, ce qui est bien certain, c’est que la plupart des écrivains contemporains des invasions déclarèrent que les Barbares respectè-

  1. Quod non fecerunt barbari, fecerunt Barberini.