qu’un livre tronqué, aride, dangereux même ; tant on s’était habitué à regarder la glose, sa compagne fidèle, comme une de ses parties intégrantes et vitales. C’est qu’en effet, comme une plante grimpante, et comme elle sans racine, la critique quelquefois parvient, dans sa jalousie et dans son besoin de vivre aux dépens de quelque chose, à se cramponner tellement à une œuvre, qu’il est impossible de l’en séparer. Si nous eussions reculé devant la tâche de commenter nous-mêmes le Vasari, nous eussions dû traduire les commentaires en question, puisqu’on s’était habitué jusqu’ici à les regarder comme un indispensable complément, et même comme un efficace contre-poison de l’erreur et des mauvaises passions du livre. Nous ne nous en sommes pas senti le courage. On ne se résigne pas, au moins sciemment, à un tel résultat. Nous avons donc pris notre parti. Qu’il nous ait coûté beaucoup ou peu, il est inutile de le dire ici. Nous allons seulement résumer, le plus succinctement possible, ce qu’il nous importe d’exposer aux lecteurs, pour nous faire approuver.
Nous n’avons point voulu publier le Vasari dans notre langue, et le laisser sous le coup des plus singulières préventions ; chose qui lui serait arrivée, suivant nous, si nous n’eussions donné que son texte ; parce qu’il n’est pas dans la nature de ce livre de pouvoir se débarrasser facilement par lui-même du renom injuste que depuis si long-temps on a travaillé avec tant d’obstination à lui faire, de même qu’il n’est pas dans sa nature de pouvoir légitimer vite les éloges nombreux qu’on lui a prodigués en bien des occasions. Il se prête mal à une lecture continue, et semble plutôt fait pour être consulté, pris et laissé tour à tour ; de façon qu’à moins d’une grande contention d’esprit et d’une application pénible, on ne pourrait en embrasser l’ensemble, ce qui facilite peu une prompte détermination dans la controverse dont il a été jusqu’à présent le constant objet.
D’un autre côté, nous avons trouvé inutile de reproduire les commentaires existants. Nous nous expliquerons ailleurs sur le sens, la portée, le caractère, l’influence que nous leur attribuons.