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arrière, afin de savoir si l’on n’a rien oublié sur le chemin, nous n’avons pas cependant à regretter le moins du monde que ces hommes inattentifs aient fait leur glorieuse équipée. L’esprit humain en a retiré trop d’avantages et trop d’honneur, pour leur faire un crime de leurs mépris pour la tradition byzantine dont ils dérivaient et dont même ils profitaient encore à leur insu, quand ils croyaient s’en écarter complètement.

L’époque à laquelle vivait le Vasari était un temps mal préparé pour apprécier convenablement l’ingénuité des premiers âges de l’art, et pour tenir un compte fidèle de ses monuments. Il y avait deux causes à cela : d’abord cette époque pouvait, plus qu’aucune autre, être fière de ses acquisitions et de ses succès. Elle comptait beaucoup d’hommes pour qui l’admiration ne devait point avoir de bornes, et dont la gloire devait éclipser tout ; ensuite, elle commençait à se sentir gagner par cet orgueil sans fond ni rives, qui peint si bien le commencement de toutes les décadences. Le Vasari lui-même, il faut bien l’avouer, était, pour sa très bonne part, le promoteur ardent de tous ces principes vains et de toutes ces exagérations académiques, sous lesquels devaient trébucher bientôt les nobles écoles de l’Italie. De son temps, on commençait à travailler plus positivement pour la vanité personnelle et pour l’argent. On commençait à faire consister l’inspiration de l’artiste dans son aplomb, son talent dans sa prestesse et sa facilité, et le mérite intime de son ouvrage dans l’exécution et le charme du moyen :