Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans ce sujet, plus tranquille, plus chaste, plus solennel, à tirer parti de toutes les indications que son modèle pouvait lui fournir. Partout où il a pu le mettre à tribut dans son œuvre, il paraît supérieur à lui-même, et presque égal au sculpteur grec. Sa Vierge est drapée comme la Phèdre. Les longueurs, les inflexions de ses membres sont les mêmes ; le système des plis, la marque des grandes divisions du corps sous les étoffes se retrouvent dans les robes traînantes des Mages accroupis. Les écuyers et les chevaux au repos, qui terminent un côté de sa composition, sont empruntés presque textuellement ; et, à leur air effaré, on dirait que l’artiste a eu surtout de la peine à ne pas les laisser courir comme dans son modèle. Cette vérification peut se faire dans toutes les autres sculptures du Pisan, même dans celles qu’il laissa à Sienne, et qui ont toujours été regardées comme ses plus fortes. Aussi, considéré en soi, et à part toutes les suites, le résultat sculptural du Pisan dépasse-t-il le résultat pittoresque de Cimabue. Tandis que l’un, plein d’inquiétude sur ses fresques, cherchant en eau trouble la beauté et l’expression, faisait encore, comme le dit parfois le Vasari, des madones à figures effrayantes, rencontrait des mouvements ridicules, des ajustements puérils, des motifs baroques ; l’autre, à son aise, comme chez lui, dans l’atelier antique rouvert, sans trop de gêne, répandait dans ses bas, reliefs une observation ingénieuse, une sagesse dans les attitudes, une dignité dans les têtes, un goût dans les draperies, une unité dans l’ordonnance,